Lors du premier sommet économique de la CEDEAO tenu à Abuja, le président béninois Patrice Talon a livré un plaidoyer vibrant pour une refonte profonde de l’organisation régionale. Face à ses homologues ouest-africains, il a plaidé pour une intégration économique pragmatique, érigée en priorité absolue, afin de sortir la CEDEAO de l’impasse dans laquelle elle se trouve.

Une CEDEAO en crise, mais porteuse d’espoir
Dès le début de son intervention, Patrice Talon n’a pas mâché ses mots : « La CEDEAO est un bel instrument, mais elle est en crise. » Cette crise, selon lui, ne doit pas paralyser l’organisation, mais plutôt servir de catalyseur pour repenser son fonctionnement. Le président béninois a souligné que l’intégration régionale, bien que louable dans ses principes, reste entravée par des lourdeurs administratives, des infrastructures inadaptées et un manque de volonté dans la mise en œuvre des engagements.
L’économie au cœur des priorités
Pour Talon, la relance de la CEDEAO passe par une focalisation sur les réalités économiques. Il a pointé du doigt des projets régionaux comme le système de transport de gaz WAPCO ou le marché régional de l’électricité, qui peinent à produire des résultats concrets. À titre d’exemple, il a évoqué la situation paradoxale du Bénin, contraint d’investir dans l’importation de gaz liquéfié malgré sa proximité avec des pays producteurs comme le Nigeria.
Le président a également dénoncé les obstacles pratiques qui freinent les échanges intra-régionaux. « Si un homme d’affaires doit passer deux jours pour aller de Lagos à Abidjan, alors nous n’avons pas d’intégration », a-t-il martelé, illustrant l’inefficacité des corridors régionaux face aux tracasseries administratives et logistiques.
Un lien entre économie et stabilité
Dans une analyse plus large, Patrice Talon a établi un lien direct entre sous-développement économique et fragilité des institutions démocratiques. Selon lui, la pauvreté limite les libertés, alimente l’instabilité et compromet la survie des États. « L’économie, c’est la survie », a-t-il affirmé, insistant sur la nécessité de bâtir un socle économique solide pour soutenir les idéaux de démocratie et de paix.
Un appel à l’action collective
Le président béninois a appelé à une refondation de la CEDEAO autour d’un projet d’intégration plus fonctionnel, basé sur la complémentarité des économies ouest-africaines. Il a regretté que les États membres, malgré leur potentiel, restent cloisonnés. « Ce ne sont pas nos populations qui manquent de volonté, ce sont nos États qui n’arrivent pas à mettre en œuvre les engagements », a-t-il déclaré, pointant la responsabilité des dirigeants et des administrations.
Pour concrétiser cette vision, Talon propose des mesures concrètes : fluidifier la circulation des biens et des personnes, lever les barrières administratives et créer un marché régional pleinement opérationnel. Il a salué l’initiative du sommet d’Abuja, tout en rappelant que le retard économique de la région incombe aux dirigeants à tous les niveaux.
Vers un nouveau départ pour la CEDEAO
Le discours de Patrice Talon à Abuja résonne comme un appel à l’action pour les chefs d’État ouest-africains. En plaçant l’économie au centre des priorités, il invite la CEDEAO à se réinventer pour répondre aux aspirations des populations. Reste à savoir si cet élan se traduira par des engagements concrets et une mise en œuvre efficace, capables de transformer l’Afrique de l’Ouest en un espace d’intégration économique dynamique et prospère.
M.D.