En Afrique en général et au Bénin en particulier, le sang, dans de nombreux rituels, revêt une signification profonde et symbolique, agissant comme un vecteur de vie, de puissance, et de lien avec le sacré. Il peut être considéré comme une offrande, un symbole de sacrifice, ou un moyen de communication avec le monde spirituel. Qualifié d’impur, le sang peut être également source de maladies et de mort.
Sans le sang, la vie est absente de la planète. Il est la principale énergie qui alimente les plantes, les animaux, les insectes puis les esprits. Liquide visqueux de couleur rouge vif il circule dans les verseaux sanguins sous l’impulsion du cœur. Chez les plantes, il prend le nom de la sève. Au niveau des insectes le sang n’a pas le même aspect, mais joue pratiquement les mêmes fonctions. Il confère aux esprits toute leur puissance à travers les sacrifices. Le sang n’est donc pas un liquide ordinaire. Composé des globules rouges, des globules blancs, du plasma et des plaquettes, un individu en contient de 5 à 7 litres, ce qui représente environ 8% de son poids total.
De par ses constituants, il véhicule les gaz respiratoires, apporte les nutriments aux organes, lutte contre les microbes et transmet des germes microbiens. Baignant l’ADN, il est le trait d’union entre le monde visible et invisible. En matière de santé, le manque de sang chronique chez un patient fait trembler tout le monde et même le corps médical, puisque celui qui est dans le besoin tutoie déjà la mort. Sauver une telle vie en détresse nécessite une transfusion sanguine les minutes qui suivent en faisant recours à la banque de sang souvent confrontée à une pénurie pour des raisons diverses. «Il faut d’abord reconnaitre que le sang est patrimoine individuel et personnel que chacun cherche à sauvegarder. Ne comprenant pas l’importance du don de sang, les citoyens sont souvent retissant. Cette réticence s’explique par la peur que leur sang soit offert en sacrifice au vodoun ‘’Kininsi’’» dévoile Georges Gnimadi, président de l’Association nationale des donneurs bénévoles de sang qui fait un travail de sensibilisation dans ce sens pour motiver les donneurs. La science connaît aussi une évolution pour palier à ces éventualités.
La transfusion, un mythe ou une réalité dans la tradition africaine
Nos traditions africaines regorgent d’assez de potentialités pour guérir telles ou telles maladies ou pour apporter de solutions à une situation donnée que la médecine moderne n’a pas encore la capacité de régler. Mais sont-elles capables de transfuser une patiente à distance ou non ? Quelques tradi-thérapeutes de la médecine traditionnelle tentent des approches de réponses à cette préoccupation. «Aucun spécialiste de la médecine moderne ne peut faire une transfusion à distance. Mais avec le Fâ, ce mystère est possible dans la tradition si le cas d’anémie est surtout lié à l’envoûtement. Avec un poulet, un cabri ou un bœuf, on peut, à partir de notre pays, soulager un malade en manque de sang en Chine ou ailleurs dans le monde. Il suffit de sacrifier ces animaux associés à d’autres ingrédients pour que le miracle attendu se produise. A travers ce sacrifice, c’est le sang d’une autre personne qui est utilisé pour faire renaitre le malade» explique Dah Amangninou, guérisseur traditionnel dans la Commune de Za-Kpota. Baba Azilèmè confirme la recette en ajoutant qu’à partir de substances tirées des plantes, l’on peut faire régénérer le sang. «Dans l’ordre mystique de la tradition, le sang peut être régénéré par l’essence de basélique. Même si le produit coûte cher, il permet de vitaliser le patient. L’essence de basilique est le concentré de la plante appelée basélique. Elle en a de diverses formes. Chez nous, on l’a connait sous le nom de Késsou-késsou. Le concentré de cette feuille dont on parle est un jus fluide qui s’évapore rapidement raison pour laquelle il faut bien la conserver. Mais là aussi, la conservation coûte aussi chère. Il est même utilisé dans beaucoup de rituels au niveau de l’égrégore invisible » renseigne-t-il.
La place du sang dans les rituels
Le sang revêt une importance symbolique et majeure dans de nombreuses cultures et religions traditionnelles. Il est souvent considéré comme un élément vital, porteur de force, de vie et de liens profonds. Dans les rituels, il peut servir à sceller des alliances, à honorer les ancêtres, à établir des relations de parenté, ou encore à communiquer avec le monde spirituel. Selon, Damien Zinsou Hounton, spiritualiste, le sang est intrinsèquement lié à la vie. Etant le fluide vital qui circule dans le corps, il draine l’énergie au niveau tout l’organisme. Sa puissance est sa composition même. « Dans une goutte de sang se trouve déjà nos 22 chromosomes. C’est pour cela que si nous donnons naissance à un enfant qui nous ressemble, les parents disent qu’il est notre sang. Mais si cet enfant ne porte pas les traits caractéristiques de la famille, ils disent souvent que ce n’est pas leur sang» souligne-t-il. Baba Hountchokan, chef de culte traditionnel, se veut plus explicite. «Qu’on soit fon, nagot, yoruba ou de n’importe qu’elle dialecte, c’est le même sang qui circule dans les veines de tout le monde. C’est l’élément qui comporte le principe actif, qui permet de reconnaitre son frère, son enfant» A ce titre, chacun, par le biais du sang, est héritier de toutes les énergies positives ou négatives de sa famille. «Si par exemple tu es né dans une famille où il est établi par tes aïeuls, bien avant ta naissance, qu’il n’y aura pas d’élite dans la famille, quel que soit le niveau d’études des enfants qui porteront le nom, cette prophétie va se réaliser sur ta vie parce que ce sang circule dans tes veines» renseigne, Berger Atakin. Le sang est également utilisé pour marquer des rites de passage, comme la puberté, où il symbolise l’entrée dans une nouvelle phase de la vie. Dans de nombreux rituels, il est vu comme une source de puissance et d’énergie vitale, capable de conférer des qualités à ceux qui y ont accès. Symbole de sacrifice et d’offrande, le sang peut être sacrifié, volontairement ou lors d’une immolation, pour apaiser les dieux, demander des faveurs, ou établir des alliances. Il est également perçu comme une manière de se purifier, d’expier des fautes ou de se connecter au divin.
Que disent les Saintes Ecritures ?
Dans la Bible, le sang est considéré comme ce qui donne vie à la chair. Il appartient à Dieu qui est maître de la vie. C’est une sorte de sceau divin, une signature de Dieu au contrat d’alliance qu’il a avec son peuple. « Ceci est le sang de l’alliance que le Seigneur a conclue avec vous» a dit l’Eternel dans Exode 24,8. On donne donc des vertus de protection au sang. Faisant référence aux Saintes écritures, Berger Atakin informe que le sang peut également jouer un rôle de purification dans certains rituels. «Le sang de l’expiation est aspergé sur le peuple pour symboliser le pardon de Dieu suite aux sacrifices offerts pour les péchés » rappelle-t-il. A en croire ses propos, la mort de Jésus sera comprise par les chrétiens en utilisant la symbolique du sang. On dira que le sang du Christ a scellé la nouvelle alliance. On compare sa mort au sacrifice de l’agneau pascal pour la rémission des péchés. Par la communion eucharistique, les chrétiens boivent le sang du Christ et renouvellent cette alliance dans l’espérance de participer à la vie éternelle. « Qui mange ma chair et boit mon sang aura la vie éternelle» a insisté l’évangile selon Jean 6,53. Depuis cette nouvelle alliance, il n’y a plus de sacrifices sanglants chez les chrétiens. Les juifs cessent aussi ces sacrifices avec la destruction du temple en 70 après Jésus-Christ. Mais ils invoquent ce sang pour leur purification. « Les chrétiens, bien qu’ils ne font plus le sacrifice, ont le sang du Christ dans la bouche qu’ils invoquent à tout instant : « Sang de Jésus ! Sang de Jésus ! », parce que le sang est si précieux qu’on ne peut s’en passer. C’est le siège de la spiritualité dans toutes les dimensions du monde. Une spiritualité qui ne prend en compte le sang est nulle. C’est pour cela que nous avons besoin du sang de certains animaux dans des domaines bien donnés » confie Sylvain Adoho, spiritualiste. Au regard de sa sensibilité, il est interdit aux chrétiens d’en manger. Confère le livre de Lévitique 17, 10-11. Des dignitaires, des fidèles de vodun est les musulmans respectent ce principe sacrosaint même si tous les chrétiens n’arrivent pas à observer cette loi.
Le sang, symbole de danger et de mort
Le sang est parfois utilisé comme ingrédient dans des rituels magiques, où il sert à la divination ou à l’acquisition de pouvoirs. Il peut être associé à des forces obscures ou démoniaques, nécessitant une grande prudence dans son utilisation. Cependant, il peut aussi être utilisé pour renforcer des sorts, des protections, ou pour obtenir des faveurs des esprits. Restaurateur de l’harmonie, le sang, dans certains cas, est associé à la préservation de la mémoire des ancêtres. Les rituels funéraires peuvent impliquer l’utilisation du sang pour honorer les morts et maintenir leur souvenir vivant. A l’opposé, le sang peut également être associé à la mort, à la violence, et au danger, notamment lorsqu’il est lié à des événements tragiques ou à des maladies. Il peut être considéré comme un vecteur de forces négatives, voire comme un outil de sorcellerie. En résumé, le sang, dans les rituels, est un symbole complexe et multiforme, porteur de sens liés à la vie, à la mort, à la puissance, et au sacré. Son interprétation et son utilisation varient selon les cultures et les traditions.
Coovi Zéphirin











