À moins d’un an de l’élection présidentielle béninoise de 2026, le parti d’opposition Les Démocrates (LD) se trouve à un tournant décisif. Alors que le président Patrice Talon a confirmé qu’il ne se représenterait pas, conformément à la Constitution limitant à deux mandats présidentiels, l’opposition, menée par Les Démocrates, doit saisir cette opportunité historique pour reconquérir le pouvoir. Cependant, le parti semble confronté à un manque criant de figures capables de galvaniser les électeurs et de fédérer les différentes sensibilités de l’opposition.
Une opposition en quête de leadership charismatique
Depuis sa création en 2019, à la suite d’une scission des Forces Cauris pour un Bénin émergent (FCBE) et sous l’égide de l’ancien président Thomas Boni Yayi, Les Démocrates se sont imposés comme la principale force d’opposition au régime de Patrice Talon. Avec 28 sièges obtenus lors des législatives de 2023, le parti a marqué son retour au Parlement après une absence de quatre ans, consolidant sa position de chef de file de l’opposition sous la direction d’Éric Houndété. Cependant, malgré cette progression, le parti a souvent été critiqué pour son approche essentiellement réactive, axée sur la critique du pouvoir plutôt que sur la proposition d’une vision alternative et fédératrice.
L’absence d’un leader charismatique capable de mobiliser au-delà des cercles militants constitue un obstacle majeur. Les Démocrates doit non seulement rivaliser avec la majorité bien organisée de Talon, mais aussi surmonter les divisions internes et les réticences des autres partis d’opposition à se rallier à leur cause. Dans ce contexte, le choix du candidat pour 2026 est crucial, car il déterminera la capacité du parti à transformer son capital politique en une victoire électorale.
Nourénou Atchadé et Éric Houndété : un duo prometteur mais incertain
Parmi les options qui pourraient ne pas laisser indifférents les électeurs, le tandem Nourénou Atchadé, en tant que candidat à la présidence, et Éric Houndété, comme colistier, se présente comme une possibilité, mais sans garantir un engouement populaire suffisant pour renverser la machine électorale de la majorité. Cependant, ce duo l’option la plus crédible à ce jour, présente à la fois des atouts et des limites qui pourraient influencer leur impact sur l’électorat.
Nourénou Atchadé : une figure controversée
Nourénou Atchadé, actuellement président du groupe parlementaire Les Démocrates, s’est imposé comme une voix influente au sein du parti. Son ascension, marquée par sa nomination comme deuxième vice-président du parti lors du congrès de Parakou en 2023, témoigne de sa capacité à mobiliser les militants. Atchadé est perçu comme un politicien énergique, capable de tenir tête au pouvoir en place, notamment à travers ses prises de position critiques contre les réformes de Talon et les accusations de dérive autoritaire.
Cependant, Atchadé souffre d’un déficit de notoriété nationale par rapport à des figures comme Boni Yayi ou même Éric Houndété. Certains observateurs, reprochent à Atchadé de manquer de charisme ou d’être trop dépendant de l’aura de Boni Yayi pour exister politiquement actuellement. De plus, son rôle dans la scission des FCBE en 2019 a suscité des critiques, certains l’accusant d’avoir contribué à diviser l’opposition pour des ambitions personnelles. Ces perceptions pourraient limiter sa capacité à fédérer au-delà du noyau dur des sympathisants des Démocrates.
Éric Houndété : un atout de consensus mais sans éclat
Éric Houndété, quant à lui, bénéficie d’une stature politique plus affirmée. Ancien vice-président de l’Assemblée nationale, il jouit d’une expérience parlementaire solide et d’une notoriété établie. Son parcours, marqué par une licence en droit des affaires et une longue carrière politique, en fait un candidat crédible pour porter les couleurs des Démocrates. Houndété est également perçu comme un homme de consensus, capable de naviguer entre les différentes sensibilités du parti sans provoquer de divisions majeures, un atout précieux dans un contexte où l’unité de l’opposition est essentielle.
Cependant, Houndété n’échappe pas aux critiques. Certains observateurs le décrivent comme un « politicien de paille » manquant de charisme ou d’une vision audacieuse pour galvaniser les foules. Son passé d’opposant de Boni Yayi, tout en étant un frein (une sorte de rétropédalage), pourrait également être perçu comme un atout, certains électeurs associant Les Démocrates à l’héritage controversé de l’ancien président, marqué par des accusations de corruption, de laxisme et de népotisme.
Les défis stratégiques des Démocrates
Le choix d’un duo Atchadé-Houndété, bien que pragmatique, ne garantit pas une victoire face à la majorité. Plusieurs défis se posent :
Mobiliser un électorat désabusé : Après des années de tensions politiques et d’exclusion de l’opposition des processus électoraux (notamment en 2019), une partie de l’électorat béninois se montre sceptique quant à la capacité des Démocrates à proposer une alternative crédible. Le duo Atchadé-Houndété devra articuler un programme clair, axé sur des enjeux clés comme la lutte contre la pauvreté, le chômage des jeunes et l’amélioration du cadre démocratique, pour reconquérir la confiance des électeurs.
Fédérer l’opposition : Les Démocrates, bien qu’ils soient le seul parti d’opposition capable de réunir le nombre requis de parrainages pour la présidentielle, peinent à rallier d’autres formations, comme Restaurer l’Espoir de Candide Azannaï ou les FCBE. Les déclarations parfois clivantes de Boni Yayi et les rivalités internes compliquent cette tâche. Un tandem Atchadé-Houndété pourrait être perçu comme trop marqué par l’héritage de Yayi, ce qui risque d’éloigner d’autres leaders d’opposition.
Faire face à la machine électorale de Talon : Même sans Patrice Talon comme candidat, la majorité dispose d’une organisation bien huilée et de ressources financières importantes. Les Démocrates doit renforcer sa vigilance et sa présence sur le terrain tout en présentant des projets concrets et réalistes sachant que Patrice Talon a mis la barre assez haute au cours de ses mandats.
Une stratégie à repenser
Pour maximiser leurs chances en 2026, Les Démocrates doivent sortir de leur posture de critique systématique et adopter une opposition plus constructive. Le duo Atchadé-Houndété pourrait séduire une partie de l’électorat grâce à leur complémentarité – l’énergie d’Atchadé et l’expérience de Houndété – mais il devra être soutenu par une campagne axée sur une vision positive et inclusive. Proposer un programme économique ambitieux, centré sur l’emploi des jeunes et la réduction des inégalités, tout en insistant sur la restauration de l’État de droit, pourrait permettre de mobiliser un électorat jeune et urbain, souvent déçu par la classe politique en général.
De plus, le parti doit investir dans une communication moderne et efficace, en s’appuyant sur les réseaux sociaux et les médias pour contrer le narratif bien rodé de la majorité qui dispose, en plus d’une bonne stratégie de communication, mais d’atouts comme le bilan plutôt élogieux de Patrice Talon. L’élégance oratoire de Houndété et l’approche combative d’Atchadé pourraient être des atouts dans ce domaine, à condition de dépasser les clivages internes et de s’adresser à un public plus large.
En conséquence, le duo Nourénou Atchadé et Éric Houndété représente une option viable, mais leur succès dépendra de leur capacité à transcender les divisions internes, à fédérer l’opposition et à proposer une vision qui résonne avec les aspirations des Béninois. Sans un changement stratégique vers une opposition plus constructive et un leadership plus fédérateur, le parti risque de manquer une occasion unique de reconquérir le pouvoir face à une majorité, d’une certaine façon, affaiblie par l’absence de Talon dans la course. La route vers 2026 s’annonce semée d’embûches, mais elle offre également une opportunité pour Les Démocrates de redéfinir leur place dans le paysage politique béninois.
M.D











