De plus en plus, l’on enregistre au Bénin des cas d’effondrement d’immeubles en construction ou partiellement achevés. Le dernier en date, remonte au mercredi 23 juillet 2025, à Togbin Fandji où l’on déplore une perte en vie humaine. Ce type de sinistre, selon les techniciens en construction bâtiment, est souvent dû à la violation des principes régissant la construction d’un édifice devant accueillir un public. La procédure conduisant donc à l’obtention d’un permis de construire qui autorise tout citoyen à lancer les travaux d’une quelconque construction est méconnue de la plupart des Béninois. Le refus de satisfaire à cette exigence constitue non seulement une infraction au code pénal, mais également un danger public et une perte d’énergie pour le propriétaire.

Construire n’est pas un jeu, mais plutôt un engagement responsable qui induit un lourd investissement. Avant de se lancer dans une telle aventure, il faudra alors prendre les dispositions nécessaires et s’entourer de toutes les garanties sécuritaires afin d’éviter que l’investissement engagé ne se noie un jour dans la poussière d’un effondrement. Malheureusement au Bénin, nombreux sont les citoyens qui amorcent leur projet de construction sans aviser un spécialiste du domaine ou recourir à un permis de construire parce que ignorant totalement l’importance de cette mesure. Du coup, les édifices, tels des champions, poussent du sol sans requérir une autorisation administrative. Or, selon la règlementation, la construction d’un hangar même en matériaux précaires doit être soumise à un permis de construire. « Lorsque vous construisez sans le permis de construire, vous vous exposez et vous exposez la vie des autres aussi », renseigne Dorothée Modeste Mèton Padonou, chef du service habitat, construction et promotion des matériaux locaux par intérim à la Direction départementale du cadre de vie et des transports chargé du développement durable (Ddcvt) du Zou et des Collines. Il explique qu’au cours de la construction, il peut y avoir effondrement avec mort d’hommes ou des cas d’incendie sur le chantier. Si entre temps le dossier avait été préalablement soumis à une étude débouchant sur obtention du permis de construire, ces sinistres pourraient être évités.

Comme dans nos grandes villes, Abomey-Calavi, Cotonou, Bohicon et bien d’autres métropoles du pays ne fait pas exception à ces scènes d’horreur. A Togbin Fandji, les souvenirs sont encore vivaces dans les esprits où un immeuble de type R+1 en chantier a cédé avec la mort d’un des ouvriers ayant en charge la construction. Le chef du service habitat, construction et promotion des matériaux locaux par intérim à la Ddcvt du Zou et des Collines situe la responsabilité d’un tel drame à deux niveaux. Selon Dorothée Modeste Mèton Padonou, l’ignorance des citoyens et la méconnaissance des textes justifient la survenance de ces effondrements récurrents d’immeubles qui, pour la plupart, occasionnent des pertes en vies humaines et des dégâts inestimables. « On n’occupe pas le sol de façon anarchique ». En matière de construction, il y a des normes qu’il faut respecter. Mais beaucoup ne le savent pas. Il faut se rendre dans les concessions des collectivités pour s’en convaincre. Le respect de ces normes, exige à toute personne qui veut entreprendre une quelconque construction de faire recours à un permis de construire en vue d’éviter les cas d’effondrement de maisons. Il a aussi pour but de sauvegarder l’investissement et de garantir la sécurité des citoyens.
Une exigence sans exception
L’exploitation du territoire ou du sol est régie par des documents de planification urbaine et ceux d’urbanisme opérationnel comme par exemple le Plan d’aménagement du territoire. A ce titre, pour entreprendre normalement une construction, il faut des préalables. Le permis de construire fait partie de ce préalable qui est obligatoire pour tout le monde. Le décret N°2020-056 du 05 février 2020 portant réglementation du permis de construire et du permis de démolir en son article 8 explique que le permis de construire est une décision administrative qui autorise, sur la base des règles d’urbanisme, de constructions nouvelles, la modification de travaux de construction non achevés, la régularisation de travaux de construction d’un ouvrage entrepris sans autorisation. « Les textes disent que toute personne qui désire entreprendre, implanter, modifier, régulariser une construction à usage d’habitation ou non, même ne comportant pas de fondations, obtient un permis de construire sous réserve des dispositions de l’article 9 dudit décret », commente Dorothée Modeste Mèton Padonou. « Les reculs, les mitoyennetés, les superficies habitables font partie des règles de bien-être. C’est toute une vie qui est en jeu », ajoute-t-il.
Les types de permis de construire et les sanctions
Les différentes catégories de permis de construire sont définies par l’arrêté interministériel 2020-092 du 04 mai 2020. Sont de la catégorie A du permis de construire, les bâtiments à faible risque ne comprenant pas de dalle, et dont la superficie hors-œuvre nette est inférieure ou égale à 150 m². Il s’agit-là des constructions simples. Mais attention ! Quand bien même la superficie est inférieure à 150m² et qu’une partie de la construction est en dalle, la catégorie change automatiquement passant de A à B. « En son article 18, le décret N°2020-056 du 05 février 2020 mentionne que le recours à un architecte pour une œuvre architecturale n’est pas obligatoire à une personne physique, détentrices d’un permis de construire de la catégorie A qui désire édifier ou modifier son propre habitation», nuance le chef du service habitat Zou-Collines.
En ce qui concerne les bâtiments à usage d’habitation, de bureaux, de magasin ou de commerce dont la hauteur ne dépassant pas trois étages et/ou dont la superficie hors-œuvre est comprise entre 150 et 1500 m², ils sont classés dans la catégorie B même si la construction ne comporte pas de dalle. Au-delà, il s’agit de la catégorie C qui regroupe les constructions complexes à fort risque, dont les stations d’essence, y compris la construction des étrangers et des institutions internationales. Si ces préalables ne sont pas respectés, vous êtes en infraction et par conséquent des sanctions sont appliquées. Le propriétaire des travaux peut être déféré devant le procureur. Si sa responsabilité est engagée, il est poursuivi. La réalisation d’une construction ou d’une démolition sans autorisation ; l’inobservation des formalités d’affichage du permis de construire ou du permis de démolir ; l’opposition à l’inspection des travaux en cours ou achevés ; la poursuite des travaux au mépris d’une suspension ordonnée par le maire de la Commune ; ou la non-conformité des ouvrages ou des travaux au permis de construire sont passibles de sanctions. La réalisation des travaux sans permis de construire est sanctionnée par l’arrêt des travaux et une amende d’un montant allant de 300 000 à 3 000 000 F Cfa. La poursuite des travaux au mépris de la suspension ordonnée par l’autorité administrative est sanctionnée par une amende de 200 000 à 500 000 F Cfa. La reprise des travaux est subordonnée à l’obtention d’un permis de construire.

L’instruction du dossier du permis de construire
Les dossiers de permis de construire introduits sont étudiés par chacune des trois différentes commissions en fonction de la nature de la construction à réaliser. Ainsi, la commission communale des autorisations d’urbanisme souvent forte de sept membres installée par arrêté du maire étudie les dossiers de permis affectés à la catégorie A et ceux de la catégorie B non complexe. Les dossiers dont la complexité dépasse les compétences de la commission communale sont transférés à la commission départementale pour étude. La commission nationale des autorisations d’urbanisme étudie exclusivement les dossiers de la catégorie C. Que le dossier soit étudié par n’importe quelle commission et à n’importe quel niveau, le permis de construire est délivré par arrêté communal du maire sur la base du procès-verbal qui lui est transmis par la commission d’étude. « C’est le maire qui délivre le permis de construire puisque la construction a lieu sur son territoire. C’est aussi en respect aux règles d’urbanisme de chaque milieu, aux documents de planification tels que le plan directeur d’aménagement, le plan de développement communal. C’est pour cela qu’un représentant de la Mairie siège au sein de chaque commission pour attirer l’attention des autres membres sur ces aspects », souligne le chef du service habitat par intérim du Zou et des Collines. Il ajoute que le permis de construire est irrévocable. A ce titre, tous les aspects possibles sont étudiés pour le confort du requérant, la sécurisation du domaine et de son investissement. «Vous ne pouvez pas obtenir un permis de construire pour un domaine en litige. C’est pourquoi on exige des titres ou des actes présomptifs de propriété tels que l’attestation de recasement ou le titre foncier ou l’attestation de confirmation de droit », confie Dorothée Modeste Mèton Padonou. Dans ce sens le législateur a innové en introduisant désormais la déclaration de responsabilité d’un architecte assermenté et d’un ingénieur en génie civil comme pièces au dossier à fournir pour mettre fin aux désordres. « Cela garantie la sécurité et la fiabilité du dossier. Puis, met chacun devant ses responsabilités », rassure le chef du service habitat. L’arrêté interministériel 2020 n°045/Mcvdd/Mdgl/DC/Sgm/Dghc/Sa portant composition des dossiers de demandes des autorisations d’urbanisme en République du Bénin est plus explicite sur les conditions à remplir. Par rapport au coût, le responsable en charge de l’habitat dans le Zou et les Collines estime que les frais ne sont pas exorbitants au vu des avantages à y tirer.
Selon l’article 8 de l’arrêté n°2020-045, les bâtiments de catégorie A paient 150F/m² hors œuvre de tous les planchers. Ceux de la catégorie B et C 250F/m² hors œuvre de tous les planchers. Quant aux bâtiments appartenant à des Etats étrangers ou à des organisations internationales, ils paient 1000F/m² ou un montant déterminé en tenant compte des conditions de réciprocité entre les Etats et les organismes internationaux. La décision d’octroi ou de refus doit être notifiée au pétitionnaire dans un délai de trois (3) mois à compter de la date du dépôt de la demande. Ce délai peut être porté à quatre (4) mois lorsque la nature ou l’importance du projet l’exige. Dans ce dernier cas, le maire est tenu d’en informer le pétitionnaire avant l’échéance des deux (02) premiers mois. Le permis est tacite après un mois de rappel au maire sans réponse. Cependant certains projets sont exclus du permis tacite. Le permis de construire est périmé si les travaux ne démarrent pas dans un délai d’un an après sa délivrance. En somme, le permis de construire doit être le premier réflexe que doit désormais avoir tout citoyen qui aspire réaliser une construction. Il sécurise non seulement le domaine, les usagers mais aussi l’investissement. « Entre investir durablement en prenant toutes les dispositions et investir dans l’à peu près sans lendemain, il faut choisir », conclu Dorothée Modeste Mèton Padonou.
Zéphirin Toasségnitché











