À l’horizon de l’élection présidentielle d’octobre 2025, la Côte d’Ivoire se trouve à un carrefour périlleux, incarné par un « monstre à trois têtes » : les candidatures de Laurent Gbagbo, Tidjane Thiam et Alassane Ouattara. Ce trio, par ses implications politiques et symboliques, risque de réveiller les démons d’un pays encore hanté par la crise post-électorale de 2010-2011, qui avait fait plus de 3 000 morts. Chaque « tête » de ce monstre représente une menace distincte pour la stabilité, mais leur convergence pourrait être dévastatrice.
La première tête, Laurent Gbagbo, leader du PPA-CI, reste une figure clivante. Malgré son acquittement par la CPI en 2019, une condamnation nationale pour le casse de la BCEAO le rend inéligible, une décision perçue par ses partisans comme une manœuvre du pouvoir pour l’écarter. Sa popularité, notamment dans le sud, en fait un catalyseur de mobilisation, mais aussi de tensions communautaires. La deuxième tête, Tidjane Thiam, soutenu par le PDCI, incarne une alternative moderne et internationale. Cependant, son exclusion pour des questions de nationalité alimente les accusations de manipulation électorale, renforçant la méfiance envers les institutions. La troisième tête, Alassane Ouattara, président sortant, cristallise les critiques par sa déclaration de candidature à un quatrième mandat, jugée inconstitutionnelle par l’opposition. Malgré un bilan économique louable, son emprise sur le pouvoir attise les frustrations d’une jeunesse confrontée à un chômage endémique (30 %).
Ce monstre à trois têtes prospère sur un terrain fertile : une Commission électorale perçue comme biaisée, une fracture nord-sud persistante et une désinformation galopante sur les réseaux sociaux. L’alliance Gbagbo-Thiam, scellée en juin 2025, intensifie la polarisation en défiant le RHDP de Ouattara, faisant craindre des violences similaires à celles de 2020 (85 morts). Les récentes manifestations réprimées à Abidjan illustrent ce climat explosif.
Pourtant, des garde-fous existent. Les réformes institutionnelles, comme l’amélioration de la transparence électorale, et des initiatives comme le Programme spécial du Nord contre l’extrémisme offrent une lueur d’espoir. Une médiation régionale (CEDEAO, UA) et un dialogue inclusif pourraient désamorcer la crise dormant. Sans un processus électoral équitable et une révision du registre électoral, ce monstre à trois têtes risque d’engloutir les acquis d’une décennie de reconstruction, plongeant la Côte d’Ivoire dans une nouvelle spirale d’instabilité.
M. Dossou











