L’identité d’une personne est la toute première étape qui caractérise le processus de son existence ici-bas. Sans une identité, il est impossible de jouir des avantages des services sociaux de base. Elle est donc un outil de développement et de planification économique. Son utilité a motivé permis de lui dédier la journée du 16 septembre de chaque année pour la célébrer afin d’attirer l’attention des décideurs et des citoyens sur la nécessité d’avoir une identité. Etant une nouvelle tradition, elle n’est pas familière aux Béninois dont la plupart ignore encore son importance.
«La journée du 16 septembre, je n’ai aucune idée» confie Rodance Savi, élève en classe de seconde au Collège d’enseignement général 2 de Bohicon. Comme lui, beaucoup d’autres citoyens béninois ne savent pas à quoi retourne cette journée. «Nous avons tellement de journées internationales, de journées mondiales au point où on nous embrouille» se désole Christelle Avodagbé, revendeuse au marché Houndjro d’Abomey. «Moi, je ne sais pas si l’identité à encore une journée hein. C’est vous qui m’informez » ironise Isabelle Fatouma, enseignante. Elle est une journée très peu connu du public. Pourtant, elle a été instituée lors de la 4ème réunion annuelle du Mouvement ID4 Africa en avril 2018 à Abudja au Nigéria. La campagne Journée de l’identité (ID Day) vise alors à établir une reconnaissance mondiale du 16 septembre comme Journée de l’identité pour souligner la nécessité d’avoir une preuve d’identité vérifiable. Elle rappelle l’importance de l’Objectif de développement durable (Odd) 16.9 des Nations unies, qui vise à « fournir une identité légale à tous, y compris l’enregistrement des naissances, d’ici à 2030» L’enjeu est de taille. « Sans identité légale, il est impossible de faire valoir ses droits, même les plus élémentaires, poursuivre ses études, accéder aux services sociaux de base et aux aides sociales, accéder à la justice, ou encore obtenir ses documents de voyage » fait savoir un des responsables de l’Agence nationale d’identification des personnes (l’Anip) à Agbangnizoun. Or, selon l’Unicef, 150 millions d’enfants de moins de 5 ans dans le monde ne sont pas enregistrés à la naissance et plus de 850 millions de personnes n’ont aujourd’hui aucune identité légale. Le thème choisi pour commémorer l’édition 2025 est évocateur : « Mon identité, mon parapluie ». Il illustre l’idée que l’identité légale protège chaque citoyen tout au long de sa vie. Avoir une identité, c’est être inclus dans la société et pouvoir participer pleinement à son développement. Le simple fait d’obtenir un acte de naissance ouvre la porte à l’éducation, à la santé et à une pleine citoyenneté. Ce sont des vies qui reprennent leur cours, libérées de l’invisibilité administrative.
Le Bénin, une référence en Afrique
Sur le plan de l’immatriculation de ses citoyens, le Bénin est un exemple dans la sous-région ouest africaine même si des efforts restent encore à faire. En 2017, un quart de la population béninoise ne disposait pas d’un acte de naissance, et moins de la moitié détenait une carte d’identité nationale (Cni), un taux qui chutait à 37 % chez les femmes. Paul Hounguè, vitrier à Za-Kpota, la vingtaine environ et Vincent Agoli-Agbo, 33ans, commerçant à Abomey, figuraient sur cette liste noire, sans preuve d’identité. Cette absence d’identification officielle les privait, ainsi qu’une large part de la population, de l’inscription scolaire, de l’accès aux services financiers et de l’aide sociale à laquelle elles étaient éligibles. «Pour n’avoir pas une pièce d’identité, j’ai loupé des opportunités d’affaires» regrette, Vincent Agoli-Agbo. Il se souvient qu’à l’époque, il voulait voyager au Ghana dans le cadre de son activité. Mais, le il n’a pu effectuer le déplacement parce que n’ayant pas une carte d’identité pour remplir les formalités administratives. «Avant, je taillais très peu d’importance à la carte d’identité. Mais aujourd’hui, j’ai compris qu’elle est incontournable dans la vie d’un homme parce qu’elle est une clé d’accès à tout. Si je l’avais, je ne serais plus à cette étape » soutient Paul Hounguè. Conscient de la situation, l’Etat a pris les taureaux par les cornes pour inverser la tendance. Ainsi, entre 2017 et 2018, le gouvernement béninois a intensifié ses efforts pour enregistrer environ 90 % de la population avec des données biométriques dans le Registre national des personnes physiques. Il a également adhéré au projet régional West Africa Unique Identification for Regional Integration and Inclusion, soutenu par la Banque mondiale, pour développer un système d’identification de base (Fid) en capitalisant sur les initiatives précédentes afin de faciliter l’accès aux services et de renforcer l’inclusion sociale. Les systèmes Fid visent à identifier de manière unique chaque individu en associant des données biographiques de base à des informations biométriques. L’objectif est de confirmer l’identité d’une personne. Avec l’appui de ce programme, un tiers des Béninois, y compris Paul Hounguè et Vincent Agoli-Agbo, ont pu obtenir la carte « C’est Moi » munie d’un code QR attestant de leur identité. Ces cartes, gratuites et valables à vie, simplifient l’accès aux services gouvernementaux pour ceux qui ne possédaient auparavant aucune forme d’identification reconnue par l’État. La carte « C’est Moi », accessible à tous les résidents du Bénin ainsi qu’aux citoyens béninois vivant à l’étranger, peut être obtenue aisément en ligne ou sous forme papier. Il a également favorisé l’enregistrement de 2,2 millions de personnes supplémentaires, dont 4 000 à l’étranger, visant à ne laisser personne de côté et portant l’enregistrement biométrique à près de 99 % de la population. Une attention particulière est accordée aux groupes vulnérables tels les femmes, les adolescentes, les enfants et les personnes handicapées. Sous le régime de la rupture, l’Etat-civil a connu une révolution sans pareille. Aucun citoyen ne peut bénéficier d’un service de l’Etat sans brandir une pièce d’identité. Les différents programmes en cours utilisent désormais une application mobile qui leur permet de vérifier facilement l’authenticité des cartes « C’est Moi » grâce au code QR intégré, réduisant ainsi les risques de fraude. Paul Hounguè, de l’obscurité à la lumière témoigne de l’impact positif de cette initiative : « Depuis l’introduction de la carte « C’est moi », nos difficultés à obtenir des appuis financiers des institutions de micro finance ont considérablement diminué. Grâce à Patrice Talon, je dispose de ma carte « C’est moi », ce qui m’a permis d’accéder à un financement pour renforcer mon atelier en équipement» se réjoui-t-il. Même sentiment de satisfaction chez Vincent Agoli-Agbo. « La carte « C’est Moi » m’a facilité la tâche dans la constitution de mon dossier pour obtenir le microcrédit ‘’Alafia’’». Lucien Fandohan, couturier, va plus loin en félicitant le gouvernement pour avoir réussi à mettre en place tout ce système.
Ce n’est pas encore le bout du tunnel
En dépit de ces efforts et des investissements consentis, tous les citoyens n’ont pas encore une pièce d’identité. Certains, végétant dans la négligence, continuent de croire que l’identification est un acte politique. Sans grand bruit, le gouvernement a mis en place un système qui contraint, à un moment donné, tout le monde à se faire enrôler volontairement. Progressivement, les parents ont pris conscience en enregistrant les nouveaux nés. En témoigne l’affluence que l’on observe sur les sites d’enrôlement. Pour avoir décrété la gratuité des services de l’Etat-civil, sans tambour ni trompette, la population s’est ruée sur les agents de l’Anip au cours de ces derniers jours. Le Ministre des affaires sociales et de la microfinance (Masm), Véronique Tognifodé, a fait l’agréable constat en se rendant au Guichet unique de protection sociale (Gups) de Sainte Cécile sis à Cotonou. Les bénéficiaires de cette opération nationale gratuite ont remercié le Gouvernement et ses partenaires pour cette initiative qui leur donne l’occasion d’obtenir leurs pièces d’identité. L’autorité ministérielle a salué cette mobilisation citoyenne. Elle a rappelé « qu’avoir une identité légale est la clé pour l’accès aux services sociaux de base, à la protection sociale et à l’inclusion économique ». Un engouement qui a justifié la prorogation du délai jusqu’à ce jour, soit sept jours de délivrance gratuite des services de l’Etat-civil au lieu de quatre prévus au départ. Sous l’impulsion du chef de l’Etat, et à travers ses réformes audacieuses, le Bénin dispose d’un système d’identification fiable, accessible à tout requérant, pourvu que le citoyen fasse la demande pour être satisfait aussitôt. Ce qui a permis de réduire les inégalités sociales, et aux citoyens d’affirmé leur identité. Zéphirin Toasségnitché