Saclo, une localité située à l’entrée de la ville de Bohicon en quittant Cotonou, est transformée en un centre névralgique de production artisanale. A base des ressources forestières, les artisans fabriquent des mortiers, des tam-tams et biens d’autres objets ornementaux. Etat leur principale activité génératrice de revenu elle nécessite l’utilisation abusive et incontrôlée de certaines espèces végétales comme Milicia excela, communément appelé l’iroko qui du coup disparaît du répertoire des essences forestières.
La valorisation du bois, bien que source de profits pour les artisans et de dynamisme économique, n’est pas sans effets sur l’écosystème. A la recherche de la matière première qu’est le bois, les artisans exercent une pression anthropique sur la biodiversité pour pouvoir fabriquer des meubles, du charbon et construire. Bohicon est une zone où l’exploitation du bois est donc active. Selon l’Organisation mondiale de l’alimentation (Fao), le taux annuel de la déforestation est estimé à 1,5% en 2023 parce que l’Etat ne disposant pas de moyens pour surveiller les coupes clandestines. Dans l’intervalle d’une semaine, Audace Lidéhou, artisan à Saclo broie au moins un arbre. En dépit de la veille de la direction des eaux et forêts, les artisans ne tarissent pas de stratégies pour se procurer du bois. «Sans le bois, nous ne pouvons pas travailler. Malgré la règlementation, nous essayons de l’avoir par le biais de nos fournisseurs » confie-t-il. Conscient de l’enjeu, l’union des artisans de cette localité a pris la résolution de boiser un hectare chaque année à Saclo pour non seulement juguler le problème de pénurie de matière première mais et surtout protéger environnement notamment le sol contre l’érosion et l’appauvrissement. Mais cette politique semble échouer pour plusieurs raisons. D’abord, elle n’a pas pris en compte la diversification des espèces végétales au point où le Milicia excela ou l’Iroko disparaît de la flore. L’autre problème auquel ils sont confrontés, selon Audace Lidéhou, est l’entretien des plantations familiales. Face à ces difficultés le projet est noyé et n’a plus évolué comme prévu depuis trois ans. En effet, le Milicia excela communément appelé l’Iroko est une espèce végétale de la famille Moracée. Elle est une essence africaine tropicale de couleur brun jaune à brun foncé autrefois très rependue sur nos sols. Elle est très prisée dans la fabrication de certains objets à cause de sa résistance parce qu’elle résiste aux aléas climatiques et aux termites. Selon l’ancien chef de cantonnement forestier d’Abomey, Armand Quenum, il y a une grande disparité entre la plantation et l’utilisation de l’Iroko. C’est dire que les artisans en exploitent plus qu’ils en plantent. Autrement dit, on note un déséquilibre dans la gestion et la protection de l’Iroko. Il n’existe pas une politique optimale de reboisement pour régénérer cette essence végétale. Ainsi les forêts du sud-Bénin sont dangereusement atteintes par ce fléau de la déforestation. Les forêts sacrées et les forêts classées sont aussi menacées. En dehors du cadre juridique renforcé par le code forestier en 2015 et révisé en 2021, il y a lieu de mettre l’accent sur la répression afin d’arrêter la saignée tout en conciliant l’économie, les emplois et la sauvegarde de la biodiversité.
De la transformation du bois en utilitaires
‘’Ko ! Ko ! Ko ! ‘’. Les bruits des outils qui s’abattent sur un tronc d’arbre prêt à être façonné nous parviennent. Nous sommes à Saclo. Le centre de la production artisanale ‘’Dieu pourvoira’’ a ouvert ses portes. Il sonnait déjà 10heures. « Ici, nous fabriquons des tam-tams et des mortiers… », confie Audice Lidéhou le visage perlé de sueur. Il ajoute que pour répondre aux exigences du marché et satisfaire à temps la demande de la clientèle, la méthode du travail à la chaîne est adoptée. Chaque maillon de cette chaîne joue un rôle spécifique bien déterminé. Le premier de l’équipe du travail constituée, Audace Lidéhou, le patron de l’atelier, façonne les bois préalablement coupés et taillés sur mesure avec une tronçonneuse. A l’aide d’une hachette dénommée ‘’Akoun’’, son principal outil de travail, il donne la forme et creuse dans le bois. Le produit semi ouvré est ensuite envoyé à Pascal Aoutchémin, son tout premier apprenti. Au bout de deux ans d’apprentissage, il se charge d’élargir le trou en se servant de ‘’Atifin’’, l’un des instruments traditionnel intervenant dans le processus. Le troisième maillon de la chaîne, Sylvain Salanon, la quinzaine environ, utilise du ‘’hanvi’’ qu’il aiguise régulièrement sur un aiguisoir pour bien préciser la forme et faire ressortir l’aspect esthétique de l’objet. En réalité, cette gouge plate communément appelée ‘’hanvi’’ en langue fon est un outil muni d’une larme métallique tranchante et d’une manche en bois. Robert Houénon, le dernier ayant intégré l’atelier d’il y a neuf mois seulement, assure les travaux de finition, c’est-à-dire le polissage. Les produits finis, prêts à être commercialisés sont exposés dans un décor au bord de la voie bitumée reliant Bohicon-Cotonou. Ces objets sont obtenus à partir du bois mais pas n’importe lequel. Il s’agit bien évidemment des bois de l’iroko, du ‘’Nime’’ et bien d’autres. Selon Audace Lidéhou l’Iroko ou le ‘’Nime’’ est utilisé en fonction de la commande et de l’exigence du client. «Par exemple, nous utilisons l’Iroko dans la fabrication des mortiers puisque tous les bois ne sont pas résistants» précise-t-il. « L’Iroko devient de plus en plus rare et cher. Face à cette pénurie nos produits faits à base de l’Iroko reviennent aussi chers ce qui n’est souvent pas du goût des clients» renchéri Audace Lidéhou.
Une profession contraignante
Comme tout métier, l’artisanat a aussi ses contraintes. Elles sont essentiellement liées à l’approvisionnement de la matière première. Ils achètent le bois dans les champs chez les propriétaires terriens ou auprès des exploitants forestiers. Cette matière qui jadis pourrit dans les forêts, fait remarquer Lidéhou, se fait de plus en plus rare. Ainsi, on note à l’achat une flambée du prix. Cette hausse s’explique par l’exploitation irrationnelle que l’on fait du bois. La tracasserie forestière et le marché d’écoulement des produits constituent aussi un problème crucial auquel sont confrontés ces artisans. Selon les confidences de Lidéhou, le bois coûte relativement moins cher dans les champs (12000 un bois de 2m de long sur 0,50 de diamètre). Dans les structures agréées, la bille revient par exemple à 18000f l’unité. Ce prix varie en fonction de la qualité et des dimensions du bois. Dans l’un ou l’autre cas l’acheteur doit avoir le permis de coupe ou une autorisation des services compétents au risque de ne pas être sanctionné conformément aux textes en vigueur. En de fraude, ils paient un lourd tribut. A tout cela s’ajoute les divers frais et la main d’œuvre. Toutes ces difficultés justifient la cherté du produit fini qui en fin de compte ne coule pas pour permettre aux artisans d’amortir les dépenses effectuées.
Zéphirin Toasségnitché











