Au Bénin, l’autorité traditionnelle et administrative que représentent les chefs de village et de quartier de ville est un maillon essentiel de la gouvernance de proximité. Pour s’assurer que cette autorité s’exerce dans le respect des principes de bonne gouvernance, le législateur a encadré de manière stricte les conditions et la procédure pouvant mener à leur révocation. Deux textes principaux se conjuguent pour définir ce cadre : la Loi n° 97-028 du 15 janvier 1999 portant organisation de l’administration territoriale et, surtout, la Loi n° 2013-05 du 27 mai 2013, relative aux villages et quartiers de ville, qui en précise les modalités.
La Loi de 1999 sert de texte-cadre. Elle établit l’architecture générale de l’administration territoriale béninoise, définissant la structure hiérarchique qui va de l’État central aux Communes, arrondissements, villages et quartiers. Elle pose les bases sans entrer dans le détail procédural des sanctions. C’est précisément l’objet de la Loi de 2013. Venue compléter et préciser les dispositions de la loi mère, elle apporte les clarifications nécessaires sur la gestion des chefs de village et de quartier, notamment en son Titre V consacré aux « Dispositions disciplinaires ». Les articles 94 et 98 de cette loi sont ainsi les piliers juridiques de la procédure de révocation.
De l’avertissement à la révocation
L’article 94 de la loi de 2013 dresse la liste exhaustive des sanctions disciplinaires pouvant être infligées à un chef de village ou de quartier, par ordre de gravité croissante. En termes d’avertissement, il s’agit d’une sanction verbale ou écrite qui vise à rappeler le chef à l’ordre sans conséquence immédiate sur ses fonctions. La suspension, quant à elle est cette mesure temporaire qui écarte le chef de ses fonctions pour une durée déterminée. La revocation est la sanction la plus grave. Elle met fin définitivement au mandat du chef et le destitue de ses fonctions. Le choix de la sanction dépend évidemment de la gravité des manquements reprochés, qui doivent être des fautes graves (sans être toujours explicitement définies dans la loi, elles relèvent généralement d’abus de pouvoir, de détournement, d’incompétence manifeste ou d’atteinte à l’ordre public).
De la procédure de révocation
L’article 98 détaille avec une grande précision la procédure à suivre pour aboutir à une révocation, afin d’éviter tout arbitraire et de garantir la légitimité de la décision. Cette procédure est un véritable circuit qui implique plusieurs acteurs et respecte des délais stricts. La première étape est la saisine du chef d’arrondissement puis que la procédure ne peut pas être lancée unilatéralement par le maire. Elle débute nécessairement par une saisine formelle du chef d’arrondissement. Ce dernier, qui est en contact direct avec la réalité du terrain, joue le rôle de « lanceur d’alerte ». C’est à lui qu’il incombe de constater des fautes graves et de formaliser une demande de révocation auprès du maire de la Commune. La deuxième étape est consacrée à la convocation du conseil communal. En effet, une fois saisi par le chef d’arrondissement, le maire devient l’acteur central de la procédure. Il a l’obligation de convoquer le conseil communal ou municipal dans un délai très court de huit (08) jours. Ce délai imparti vise à éviter que l’affaire ne traîne en longueur, garantissant une réponse rapide à une situation potentiellement critique. Cette rencontre des conseillers communaux debouche sur le vote du conseil communal. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le maire ne prononce la révocation que sur la base d’une décision collégiale. Il ne peut pas révoquer seul. L’ultime décision revient au conseil communal ou municipal, qui doit se prononcer à une majorité qualifiée très exigeante : les trois quarts (3/4) de ses membres. Cette règle est cruciale. Elle signifie que la révocation d’un chef de village ou de quartier ne peut en aucun cas résulter d’une simple majorité relative ou même absolue. Elle nécessite un consensus large au sein de l’assemblée délibérante de la Commune, protégeant ainsi le chef contre un possible acharnement politique ou des luttes d’influences locales. La décision doit être mûrie et partagée par une très large majorité des élus.
Un équilibre entre autorité et protection
Le cadre légal béninois concernant la révocation des chefs de village et de quartier témoigne d’une recherche d’équilibre. D’un côté, il reconnaît la nécessité de sanctionner des fautes graves pour préserver l’intégrité de l’administration locale et la confiance des populations. De l’autre, il protège ces autorités traditionnelles contre des décisions arbitraires ou précipitées en instaurant un processus collégial et exigeant. En confiant l’initiative au chef d’arrondissement (proche du terrain), la gestion de la procédure au maire (autorité exécutive) et la décision finale au conseil communal (représentation démocratique) avec une majorité des 3/4, la loi assure que la révocation est une décision réfléchie, légitime et incontestable dans l’intérêt supérieur de la communauté.
La Rédaction











