Alors que les réseaux sociaux s’imposent comme des vecteurs majeurs de communication au Bénin, leur usage incontrôlé par certains influenceurs soulève de vives inquiétudes. Entre désinformation, propos diffamatoires et atteintes à la dignité humaine, les dérives se multiplient, mettant à l’épreuve les limites du cadre juridique actuel. Face à cette situation, la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (Haac) a amorcé une réflexion sur l’encadrement des créateurs de contenu numérique, désormais considérés comme de véritables acteurs médiatiques.
La montée en puissance des plateformes comme TikTok, Facebook ou Instagram a profondément transformé les dynamiques de l’information et de l’influence au Bénin. Des individus sans formation journalistique ni encadrement éditorial s’adressent quotidiennement à des milliers, voire des millions d’abonnés. Cette capacité à façonner l’opinion publique, souvent sans filtre ni vérification, confère aux influenceurs un pouvoir comparable à celui des médias traditionnels. Pourtant, ces nouveaux acteurs échappent encore à toute régulation spécifique, exploitant un vide juridique qui fragilise la cohésion sociale et l’éthique de l’information. Les récentes polémiques impliquant des influenceurs béninois illustrent les risques d’un espace numérique livré à lui-même. Des propos injurieux, des incitations à la haine ou des attaques ciblées contre des personnalités publiques et des communautés étrangères ont été largement relayés, provoquant des tensions diplomatiques et des réactions officielles. Le ministère des Affaires étrangères a dû intervenir pour apaiser les esprits après des échanges virulents entre internautes béninois et gabonais. Ces incidents révèlent l’ampleur du phénomène et la nécessité d’un encadrement proportionné à l’impact de ces contenus. Consciente de l’urgence, la Haac, par la voix de son Secrétaire général, François Awoudo, a affirmé que toute personne utilisant les réseaux sociaux pour atteindre une large audience doit être considérée comme un acteur médiatique. Cette position marque un tournant dans la doctrine de régulation au Bénin. L’institution envisage d’adapter la législation en intégrant des critères tels que le nombre d’abonnés, la fréquence des publications ou la portée des contenus. L’objectif est de soumettre les influenceurs à des obligations similaires à celles des médias classiques, notamment en matière de responsabilité éditoriale, de respect de la vie privée et de lutte contre la désinformation.
Un appel à une législation claire, ciblée et équilibrée
Pour être efficace, cette régulation ne saurait se limiter à des déclarations d’intention. Elle doit se traduire par un cadre légal spécifique, distinct de celui des journalistes professionnels, mais suffisamment rigoureux pour prévenir les abus. Ce cadre devrait définir le statut juridique des influenceurs, établir des obligations de transparence sur les partenariats commerciaux, encadrer les contenus sponsorisés et prévoir des sanctions graduées en cas de manquements. Il s’agirait non pas de restreindre la liberté d’expression, mais de garantir un usage responsable de la parole publique dans l’espace numérique.
La Rédaction











