À l’approche du 1er août 2025, date marquant le 65e anniversaire de l’indépendance de la République du Bénin, le pays se trouve à un tournant symbolique. Cette célébration, au-delà de son caractère festif, offre une occasion unique pour le président Patrice Talon de poser un geste fort en faveur de la paix, de la réconciliation et de l’unité nationale. Parmi les attentes exprimées par une partie de la population et de l’opposition, l’idée d’une grâce présidentielle pour certaines personnalités emprisonnées, notamment pour des délits à caractère politique (selon les opposants et autres observateurs), revient avec insistance.

Depuis l’arrivée au pouvoir de Patrice Talon en 2016, le Bénin, longtemps considéré comme un modèle de démocratie en Afrique de l’Ouest, traverse une période de tensions politiques. Les réformes institutionnelles, bien que saluées par certains pour leur ambition de moderniser l’État, ont été critiquées pour leur impact sur l’espace démocratique. Les élections législatives de 2019 et la présidentielle de 2021, marquées par l’exclusion de plusieurs figures de l’opposition et des manifestations parfois violentes, ont accentué les fractures sociales. Des personnalités politiques, dont certaines sont actuellement incarcérées pour des motifs variés (atteinte à la sûreté de l’État, corruption, ou autres délits), sont perçues par leurs partisans comme des prisonniers politiques.
Dans ce climat, l’opposition et des organisations de la société civile appellent à des gestes d’apaisement. Une grâce présidentielle, en libérant certaines de ces figures, pourrait être interprétée comme un signal de bonne volonté de la part du président Talon, particulièrement à l’occasion d’une célébration aussi symbolique que l’indépendance nationale, la dernière pour Talon avant la fin de son dernier mandat.
La grâce présidentielle : un outil constitutionnel et politique

La Constitution béninoise confère au président de la République le pouvoir de gracier des condamnés, une prérogative qui, bien que discrétionnaire, est souvent utilisée dans des contextes de célébrations nationales ou pour répondre à des impératifs politiques. Une grâce ne signifie pas une reconnaissance d’innocence, mais une mesure de clémence visant à alléger ou annuler la peine. Dans le cas du Bénin, accorder une grâce à des personnalités comme celles emprisonnées pour des motifs liés à des tensions politiques pourrait avoir plusieurs implications.
D’une part, un tel geste renforcerait l’image du président Talon comme un leader prêt à transcender les clivages pour le bien commun. Cela pourrait apaiser les tensions et redonner confiance à une partie de la population qui se sent marginalisée. D’autre part, il permettrait de répondre aux critiques internationales, notamment celles des organisations de défense des droits humains, qui ont pointé du doigt une restriction de l’espace civique et politique au Bénin.
Cependant, la grâce présidentielle n’est pas exempte de risques. Certains pourraient y voir une forme de faiblesse du pouvoir ou une reconnaissance implicite de l’injustice des condamnations. De plus, le choix des bénéficiaires d’une éventuelle grâce serait scruté de près : une sélection perçue comme partiale ou stratégique pourrait raviver les tensions au lieu de les apaiser.
Les figures en question et l’impact d’une libération

Bien que les noms des personnalités concernées ne soient pas toujours explicitement mentionnés dans les appels à la grâce, des figures comme Reckya Madougou, ancienne candidate à la présidentielle, ou Joël Aïvo, universitaire et homme politique, sont souvent évoquées. Leur emprisonnement, pour des chefs d’accusation graves mais contestés par leurs soutiens, cristallise les divisions entre le pouvoir et l’opposition.
Libérer ces personnalités pourrait ouvrir la voie à un dialogue national plus inclusif. Cela enverrait un message fort : le Bénin, à l’aube de ses 65 ans d’indépendance, est prêt à tourner la page des conflits politiques pour se concentrer sur des défis communs, comme le développement économique et la cohésion sociale. Cependant, le président Talon pourrait exiger des contreparties, comme un engagement des bénéficiaires à respecter le cadre légal et à contribuer positivement à la vie politique.
Les attentes de la société béninoise
La société béninoise, marquée par des années de sacrifices et d’efforts collectifs, aspire à une stabilité durable. Les célébrations du 65e anniversaire de l’indépendance, prévues dans un contexte de relative reprise économique post-COVID, pourraient être l’occasion de galvaniser cet élan. Une grâce présidentielle serait perçue comme un acte de magnanimité, en phase avec les valeurs de solidarité et de pardon souvent mises en avant dans la culture béninoise.
Cependant, pour que cet acte ait un impact réel, il devrait s’accompagner d’autres mesures d’ouverture : un dialogue inclusif avec l’opposition, des réformes pour garantir une plus grande transparence électorale, et un engagement à protéger les libertés fondamentales, y compris la liberté de presse et d’expression. Sans ces efforts complémentaires, une grâce pourrait être vue comme un geste purement symbolique, voire opportuniste.
Défis et perspectives
Le principal défi pour le président Talon réside dans l’équilibre entre fermeté et clémence. Dans un contexte où son administration met l’accent sur la lutte contre la corruption et l’impunité, accorder une grâce à des personnalités condamnées pour des délits graves pourrait être perçu comme contradictoire. De plus, le président pourrait craindre que les bénéficiaires d’une grâce ne reprennent leurs activités d’opposition de manière plus virulente.
Pourtant, l’histoire du Bénin montre que les moments de crise ont souvent été surmontés par des gestes d’unité. La Conférence nationale de 1990, qui a marqué la transition démocratique, reste un exemple éloquent de la capacité du pays à se réinventer. Une grâce présidentielle, bien encadrée et accompagnée d’un discours rassembleur, pourrait s’inscrire dans cette tradition.
La grâce présidentielle, si elle est bien pensée et mise en œuvre dans un cadre de dialogue inclusif, pourrait apaiser les tensions, renforcer la cohésion sociale et consolider l’héritage démocratique du Bénin. Toutefois, elle devra s’accompagner d’un engagement sincère pour l’ouverture politique afin de répondre aux attentes profondes des Béninois. En cette période de célébration, le président Talon a l’occasion de montrer que le Bénin peut, une fois encore, être un modèle de résilience et d’unité pour l’Afrique.











